Avant que ce mode de paiement encore très ancré en France ne revienne me hanter, je n’en voyais plus très bien l’utilité. Je n’avais aucune envie de commander un carnet de chèque, ayant très bien vécu sans pendant les six dernières années. A présent, je commence à me demander si cela vaut la peine de faire de la résistance…
Pourtant, je me heurte partout à de petits désagréments et on me prendrait presque pour une empêcheuse d’encaisser en rond. S’inscrire à une association? Envoyez un chèque par la Poste. Payer le loyer? La propriétaire préfère un chèque.
Le chèque, mode d’emploi
En faisant quelques recherches sur le sujet, je suis tombée sur un billet de blog d’une expat Suisse à Montpellier, qui donne un mode d’emploi du chèque français à l’usage de ses compatriotes, ce moyen de paiement n’existant pas en Suisse.
Le décalage culturel prend une tournure humoristique lors de son premier rendez-vous à la banque:
Lorsque j’ai ouvert un compte français à La Banque Postale, le conseiller m’a posé cette curieuse question. “Le chéquier, vous le préférez en quel format? Ouverture latérale ou vers le haut?” Ne comprenant pas vraiment ce que cela changerait (c’est toujours le cas aujourd’hui), j’ai répondu au hasard: “Heu… la version standard.”
Cela me rappelle l’ouverture de mon premier compte en banque en Thaïlande. Comme je ne parlais pas encore Thaï, une collègue m’avait accompagnée pour m’aider dans mes démarches. On m’avait alors remis un petit livret violet de suivi de compte qui s’est avéré très pratique en l’absence de banque en ligne.
A chaque passage à la banque, le petit livret était mis à jour pour refléter les somme déposées, les retraits au distributeur etc, avec de jolies lignes d’astérisques pour séparer les transactions du solde. L’imprimante avait un crissement que je ne suis pas près d’oublier.
Comme c’était la saison des pluies, j’ai même eu droit en guise de cadeau de bienvenue à un parapluie aux couleurs de la banque – violet et blanc, je vous rassure.
Expat mafioso
Cela m’a aussi rappelé la surprise de mon premier salaire. J’étais en classe en train de préparer une leçon quand on m’a appelée pour me présenter au bureau de l’intendance. Le sourcil froncé, le front noué de rides naissantes, j’ai frappé doucement.
Je me suis crue dans un vieux film de mafia. A l’appel de mon nom, je me suis approchée et on m’a fait signer un registe avant de me tendre une enveloppe. Elle contenait la bagatelle de quelques milliers de bahts, la totalité de mon salaire en liquide!
En rentrant dans la salle de classe pour ranger mes affaires, l’envelopppe me brûlait les doigts. J’étais terriblement mal à l’aise de tenir entre les mains autant d’argent: assez d’argent pour payer mon loyer, assurer mes dépenses du mois et commencer à économiser pour mon prochain voyage.
Je me doutais que tout le monde avait été payé le même jour et je scrutais les visages des autres profs pour voir si ces liasses les rendaient aussi anxieux que moi. Si tel était le cas, ils n’en laissaient rien paraître. Personne ne semblait se soucier de se précipiter vers une banque pour y déposer le précieux fardeau. Il faut dire qu’à cette heure-là un vendredi soir, les banques étaient déjà fermées depuis belle lurette.
Alors, ça m’a frappée : j’allais devoir rentrer, laisser mon salaire « en liquide » dans ma chambre jusqu’au lendemain matin, à l’ouverture de la banque.
Chèque en blanc, chèque en bois
Le souvenir de mon angoisse d’alors me fait sourire. L’habitude de trimballer du liquide a été vite acquise. Quelques mois plus tard, j’ai même payé cash un ordinateur portable sans ciller.
Si je me suis vite faite au système de l’enveloppe mensuelle, cela fait toujours ouvrir des yeux ronds à ma mère qui est une adepte du chéquier. Etant gamine, je la voyais s’asseoir stylo en main, s’attelant à une pile de factures. Je lui demandais souvent le privilège de remplir moi-même les chèques qu’elle n’avait plus qu’à signer.
Force est de constater que ce mode de paiement est toujours en vogue en France. Alors, chéquier ou pas chéquier?
A lire ailleurs:
Utilisation du chèque : « Nous avons identifié 11% d’irréductibles » (Sur Libération, 31 mars 2011)
Pourquoi les Français sont-ils champions du paiement par chèque (Sur Le Progrès, 27 août 2012)
Crédit photo: Yann Droneaud et Rakka