Nouveau départ? Peut-être, je rêve…

Je ne mettais plus à jour ce blog, sans doute parce que la vie ici à Paris m’était devenue normale. Je me suis plongée avec plaisir dans les études, j’ai fait quelques escapades en Europe et puis je me suis rapprochée de ma famille. A nouveau, l’envie de déménager loin me prend. Très fort!

En avril 2015, cela fera deux ans que je me suis installée à Paris. Alors j’ai commencé à me relire, à regarder le chemin parcouru. J’ai vraiment eu plaisir à retourner sur des lieux connus, à tracer des histoires nouvelles sur des endroits anciens. Je ne sais pas si j’ai fait le deuil de mon père encore mais j’ai pris le temps de souffler un grand coup.

C’était une parenthèse d’apaisement, je crois. Maintenant, je suis prête à reprendre une grande bouffée d’aventure. La parenthèse se referme doucement.

Changement de paradigme

Et si on changeait de paradigme?

Pour illustrer ce qui se passe lors d’un changement de paradigme, l’exemple d’une personne confrontée à la vie dans une autre culture est mis en avant. L’expatriation n’est pas le propos central de la vidéo mais ce passage en particulier [à partir de 1’25] m’a fait sourire:

Imaginez que vous changiez de pays. Tout ce qui est normal, habituel, évident pour vous, est différent ici. Ce n’est pas votre monde traduit dans un autre langage. Non, c’est un autre monde. Pourtant, si vous restez très longtemps, peu à peu c’est l’intérieur même de votre tête qui va changer ! Là aussi, vous opérez un changement de paradigme.

Au bout de combien de temps change-t-on de paradigme en étant au contact d’une autre culture? Peut-on jamais revenir à un ancien paradigme? Combien de fois dans une vie est-il possible de changer de paradigme?

Le #FLE c’est #fun !

Les joies du français langue étrangère (ou FLE), ça se partage. Le problème, c’est que pour moi, cette langue n’est pas si étrangère que ça…

CahierJe ne sais pas si je vous l’ai dit – je suis presque sûre que non, en fait – mais je ne suis pas rentrée seule. Oui, je suis rentrée accompagnée. Quelqu’un, un homme, a eu l’audace et la folie de lier sa vie à la mienne. Et vice-versa.

On est donc un couple impatrié – expatrié: quand je rentre, il part.

Je suis censée être le référent de ce pays et parfois, je ne sais plus ce que j’aurais dit ou fait du temps où j’étais encore baignée à 100% dans ma culture d’origine. Il arrive qu’on me regarde de travers quand je fais un faux pas. Il m’arrive aussi d’éviter des situations sociales pour ne pas me confronter à cette gêne: je n’ai pas suivi tous les rebondissements politiques de l’Hexagone ni les films et les auteurs à la mode et mon silence passe sans doute pour un snobisme.

Au café que je fréquente régulièrement, la confusion des accents et des langues me rassure. On y croise des Japonais, des Américains qui parlent impeccablement français et d’autres qui sont soulagés de pouvoir s’exprimer en anglais, des gens de partout et de nulle part à la fois. J’aime bien me perdre dans ce brouhaha et j’aime aussi le drôle de manège qui se joue entre Channa et moi à chaque fois qu’on se parle: anglais cette fois, français plus tard, les deux dans la même phrase, pourquoi pas? On rit du fait que je ne connaissais pas le mot français pour French press.

A la maison avec P., on parle un anglais mâtiné de vocabulaire swahili et maintenant de plus en plus de français (surtout en ce qui concerne la cuisine! Les biscottes, la brioche, à emporter…). Quant à l’accent, on a insensiblement glissé vers un juste milieu: sa façon de parler anglais n’est plus typiquement kenyane, comme n’ont pas manqué de lui faire remarquer quelques amis, et la mienne a évolué aussi, peut-être plus sous l’influence de l’environnement. Toujours est-il que la langue est entre nous un terrain de jeu intime.

Déménager à Paris a changé la donne car les langues en présence ne sont plus les mêmes. L’une d’elles, hégémonique dans l’espace public, n’est pas encore connue de P. Il commence tout juste à apprivoiser les rudiments du français.

Le soir, penché sur ses exercices de grammaire, il est ahuri d’apprendre l’arbitraire répartition des genres des noms. Savoir que l’allemand connaît trois genres n’a pas l’air de le consoler. Pourtant, il prend un malin plaisir à trouver un ressemblance entre semaine et semen (en anglais) et à former des phrases absurdes du type: « Je ne suis pas une crêpe ».

A travers P., je retrouve un peu de la fraîcheur de premiers mois dans un univers étrange où chaque coin de rue est un mystère et où les gens se livrent à des rituels insensés. Ils poussent des « pfff » d’exaspération. Ils se ruent sur les fontaines dès que le soleil pointe le bout de son nez. Ils parlent politique partout et à tout le monde. Et oui, dur de m’avouer que j’en suis aussi…


Crédits photo: AttributionNoncommercialShare Alike Xinita

J’habite où, au fait ? Nairobi ou Paris?

Où je raconte mes doutes à mon journal de bord.

J'habite où au fait?

J’habite où au fait?

Cher journal,

Je t’ai un peu négligé ces derniers temps mais il faut dire que j’ai eu fort à faire. Ce n’est pas une raison pour laisser tomber un vieil ami, tu me diras. A vrai dire, quelque chose me tracassait mais je n’arrivais pas à le mettre par écrit tellement je me sentais ridicule.

Je me suis enfin décidée: surtout, ne ris pas de moi…ou bien si, ris donc, ça m’est égal.

Tu vois, sur mes divers profils en ligne, j’ai conservé ‘Nairobi, Kenya’ comme lieu de résidence alors que je n’y suis plus depuis janvier dernier. Je t’avais raconté le long chemin qui m’avait fait traverser par sauts de puce le Sénégal, la Tunisie, l’Italie, pour finalement arriver à Paris.

Pendant tout ce temps, dans ma tête, j’habitais toujours au Kenya. Aux personnes rencontrées sur la route, je disais être « en transition » entre deux continents. J’ai fait durer cette transition aussi longtemps que j’ai pu. Cela m’a pris presque 6 mois pour me résoudre à changer l’heure sur l’horloge de mon ordinateur!

C’est la première fois que je mets autant de temps à m’approprier un nouveau lieu de résidence. Je résiste intérieurement.

Je crois que j’ai peur de ne plus être celle qui vient d’ailleurs, de perdre cette facette de mon identité. Et si je finissais par me glisser dans un rôle terne, si je devenais comme tout le monde ? Née en France, j’habite en France, quoi de plus banal ? C’est bête mais je m’imagine disparaître dans la foule des gens qui ne se posent pas trop de questions.

Je m’accroche à cette identité sans que cela m’apporte grand chose : il importe peu que je sois d’ici ou d’ailleurs. Pourquoi est-ce que j’ai besoin de me cacher derrière ces apparences ?

Pourtant, il n’y a pas de place déterminée qui m’attende à Paris. Tout reste à construire et c’est vraiment un nouveau départ, même si le décor est un peu familier.

J’ai eu le déclic quand j’ai reçu ma première facture d’électricité. Alors ça y est, trêve de tergiversations: j’ai changé mon lieu de résidence sur Twitter. Je suis vraiment Parisienne maintenant. Si c’est sur Twitter, c’est officiel!

Bises,

Ton impatriée préférée.


Crédits photo: AttributionNoncommercial Mary T. Moore

L’été à Paris: chaleur et bonne humeur

Un coup d’oeil sur la page Facebook de la Bibliothèque Couronnes m’a fait enfiler mes sandales en vitesse pour ne rien rater du concert « Carte Blanche » de Milk, Coffee and Sugar. Plus de deux heures de hip-hop tantôt lyrique, tantôt hargneux, valaient bien le déplacement!

L’été à Paris, la chaleur s’enlise sous les toits en zinc. On étouffe dans les chambres de bonne, mais les touristes aux terrasses des cafés ne s’en laissent pas conter. Heureusement, c’est aussi le temps des fontaines et des après-midis qui s’éternisent sur les pelouses.

Cette année, le Parc de la Vilette s’est fendu d’un programme à vous passer l’envie de partir en vacances: cinéma en plein air, concerts gratuits, cours de tango, ateliers de cuisine (payants)…De l’Italie à l’Argentine en passant par le Viêt-nam et l’Inde, les artistes du monde entier débarquent à la porte de Pantin.

Parc de la Vilette, Paris.

Parc de la Vilette, Paris.

Le groupe « Milk, Coffee and Sugar » était hier soir à l’honneur à la Prairie du Cercle sud. Les rappeurs au verbe délié étaient venus accompagnés de nombreux autres artistes qui se sont relayés tout au long de la soirée pour des sessions de freestyle et des morceaux collaboratifs inédits, tous plus bourrés d’énergie les uns que les autres.

La chaleur n’a pas empêché la foule de sautiller; même les petits perchés sur les épaules de leurs parents battaient le rythme, bras levé! Comme dit @clemence_martz, c’est ça #milkcoffeesugar!

J’avoue sans rougir que certains textes d’Edgar Sekloka m’ont irradiée de la tête aux pieds au point de ne plus sentir que les mots me traverser le corps. Gaël Faye, dont j’avais d’abord découvert l’album solo Pili pili sur un croissant au beurre, n’est pas non plus étranger à l’émotion que j’ai éprouvée tout au long du concert. Récit saccadé de révolte et de douceur, sa poésie ne fait pas qu’effleurer, elle fait mouche.

Guitare rouge en bandoulière, l’inclassable Mélissa Laveaux était aussi au rendez-vous pour un trio jazzy à souhait. Inclassable, dis-je, et inoubliable grâce à une voix ambrée qui donne l’impression de planer au milieu des nuages.

L’autre rencontre magnifique, longuement ovationnée par le public, fut celle de « Milk, coffee and sugar » et des vocalistes de Ommm. Je vous laisse savourer par vous-même sur cette interprétation de What a wonderful world (un titre de Bob Thiele et George David Weiss, mis en vidéo par Gregory Pierre):

Malgré l’absence de Féfé (@fefeoff), le public du grand Paris et du petit Paname est reparti enchanté après plus de deux heures à vibrer à l’unisson. Rien de tel qu’une rame de métro gorgée de bonne humeur pour conclure cette belle soirée d’été à Paris…

A quand la prochaine « Carte Blanche »? En attendant, « on danse le calypso » 😉


Crédits photo: AttributionNoncommercialNo Derivative Works Nacho Rascon

Podcast: les retours de voyage

Grâce à Aurélie dite Curieuse Voyageuse, j’ai découvert Voyagecast, un podcast animé par Jonathan (de voyagecast.ch) et Sébastien (de mixcity.fm). La dernière émission s’intéresse au thème des retours de voyage sous forme d’un dialogue entre voyageurs au long cours (compulsifs?).

Les invités réfléchissent notamment à la façon dont chacun négocie la période du retour en fonction des expériences vécues pendant le voyage, du rapport au chez-soi, de l’habitude plus ou moins ancrée du voyage. Le concept de choc culturel inversé, qui veut que les diverses phases d’adaptation à un lieu d’adoption se manifestent aussi lorsque l’on retourne dans son pays d’origine, est examiné étape par étape et confronté à l’expérience de chaque voyageur interrogé.

En écoutant ce podcast, je me suis plusieurs fois mordu les lèvres tant j’avais envie de répondre à mon tour aux questions que se posaient les invités. J’ai donc décidé de participer … en différé et par écrit.

ballerineL’aspect qui m’intéresse particulièrement, c’est le fait de prolonger le voyage en trouvant l’aventure en bas de chez soi ou au bout de la rue.

Etre voyageur dans l’âme, c’est aussi cela: voir chaque instant comme potentiellement aussi extraordinaire que la plus folle excursion à l’autre bout du monde.

Renseigner un touriste qui cherche son chemin dans la ville où l’on habite, c’est partager un moment de voyage avec cette personne. Echanger des recettes dans une épicerie de Château Rouge, c’est rendre hommage aux arts de la table qui sont des traits d’union entre les gens. Lire un panneau bilingue français-breton à Rennes (Roazhon !), c’est un clin d’oeil facétieux au multilinguisme de beaucoup d’entre nous.

D’ailleurs, quand on a tissé des liens sur plusieurs continents, on ne peut plus se représenter le monde comme centré sur un lieu d’appartenance à partir duquel on mesurerait l’éloignement. Je ne parle plus que rarement de l’autre bout du monde car dans ma tête, l’espace familier est un triangle qui englobe la Thaïlande, la France, le Kenya. Il n’y a plus de bout du monde car ma géographie de coeur est comme un océan où flottent des îles reliées par des ponts d’amitié.

Du même coup, le familier peut devenir étrange et l’étrange, familier. Les gens qui aiment passionément voyager évoquent souvent l’état de découverte quasi permanent qu’ils ressentent pendant leurs pérégrinations et l’aspect  compulsif que cela revêt parfois. Sur le chemin du retour, on rêve déjà du prochain départ. Si l’on arrive à conserver l’émerveillement dans des lieux devenus familiers, alors on compense la frustration d’être de retour, de ne plus être grisé par le voyage.

Lire est pour moi depuis toujours un moyen de combler l’écart entre le rêve et le vécu. Il y a bien sûr les récits de voyage mais surtout les oeuvres de fiction que je ramène de tous les endroits où je passe. Par le truchement de l’imaginaire, je touche à des histoires qui me seraient autrement inaccessibles.

Partir pour mieux revenir? Pas si sûr, si l’on en croit les six invités de ce podcast Voyagecast. Il s’agit plutôt d’un changement continu de soi qui passe par la découverte d’autres lieux, d’autres personnes puis par la redécouverte de son propre environnement.


Photos de Marie-Laure Le Guen. Licence CC-BY-3.0.

L’arôme du café dans un écrin de style: le Loustic.

Il en faut parfois peu pour éclairer une journée un peu maussade, plombée par un ciel gris infini : le sourire d’une inconnue, un détour par la bibliothèque ou rien que l’odeur du café qui se faufile dans le couloir. Une heure au café du coin peut aussi faire l’affaire…

Les jours de grisaille, comme les jours baignés de soleil, je prends refuge au Loustic, dans le troisième arrondissement de Paris. C’est un café de quartier comme je les aime, cosy et plein de petites douceurs qui font chanter les papilles, à commencer par les cookies.

Moi qui me prenais pour une fana de café, je me suis ravisée en rencontrant Channa, le barrista qui infuse le Loustic de sa passion. Quand il me présente le café du mois, c’est toujours avec des étincelles dans les yeux, et sur les lèvres des métaphores qui font surgir les collines du Burundi au cœur de la rue Chapon!

loustic

Ce qui m’avait attirée la première fois, c’était l’enseigne lumineuse façon Broadway, complètement décalée et tellement charmante. J’avais deux heures à tuer avant une conference dans le quartier et je cherchais un endroit où m’asseoir au chaud pour lire.

Je voyais par la vitre un décor rétro aux formes géométriques, des sièges en osier et un micro hors d’âge. Cela m’a fait sourire alors j’ai poussé la porte et mon sourire a rencontré d’autres sourires.

J’ai posé mon livre sans l’ouvrir à côté de mon espresso. Je venais de trouver la parfaite extension à ma chambre de bonne: un salon vibrant de conversations où le café coule à flots et la vie semble gorgée de bienveillance. Aucun loustic en vue, à mon grand soulagement.

Pratique :

Le Loustic,

40 rue Chapon

Paris 3ème

Métro Rambuteau (ligne 11), Arts et Métiers (ligne 3)

Espresso : 2 euros / 2,5 euros (pour l’espresso du mois)

Formule déjeuner : 10 euros

Quiche : 6 euros

Wifi gratuit. CB acceptée


Photo de Channa G.

Pas chics, les chèques

Avant que ce mode de paiement encore très ancré en France ne revienne me hanter, je n’en voyais plus très bien l’utilité. Je n’avais aucune envie de commander un carnet de chèque, ayant très bien vécu sans pendant les six dernières années. A présent, je commence à me demander si cela vaut la peine de faire de la résistance…

Pourtant, je me heurte partout à de petits désagréments et on me prendrait presque pour une empêcheuse d’encaisser en rond. S’inscrire à une association? Envoyez un chèque par la Poste. Payer le loyer? La propriétaire préfère un chèque.

2650522750_4be22f6d37

Le chèque, mode d’emploi

En faisant quelques recherches sur le sujet, je suis tombée sur un billet de blog d’une expat Suisse à Montpellier, qui donne un mode d’emploi du chèque français à l’usage de ses compatriotes, ce moyen de paiement n’existant pas en Suisse.

Le décalage culturel prend une tournure humoristique lors de son premier rendez-vous à la banque:

Lorsque j’ai ouvert un compte français à La Banque Postale, le conseiller m’a posé cette curieuse question. “Le chéquier, vous le préférez en quel format? Ouverture latérale ou vers le haut?” Ne comprenant pas vraiment ce que cela changerait (c’est toujours le cas aujourd’hui), j’ai répondu au hasard:  “Heu…  la version standard.”

Cela me rappelle l’ouverture de mon premier compte en banque en Thaïlande. Comme je ne parlais pas encore Thaï, une collègue m’avait accompagnée pour m’aider dans mes démarches. On m’avait alors remis un petit livret violet de suivi de compte qui s’est avéré très pratique en l’absence de banque en ligne.

A chaque passage à la banque, le petit livret était mis à jour pour refléter les somme déposées, les retraits au distributeur etc, avec de jolies lignes d’astérisques pour séparer les transactions du solde. L’imprimante avait un crissement que je ne suis pas près d’oublier.

Comme c’était la saison des pluies, j’ai même eu droit en guise de cadeau de bienvenue à un parapluie aux couleurs de la banque  – violet et blanc, je vous rassure.

Expat mafioso

Cela m’a aussi rappelé la surprise de mon premier salaire. J’étais en classe en train de préparer une leçon quand on m’a appelée pour me présenter au bureau de l’intendance. Le sourcil froncé, le front noué de rides naissantes, j’ai frappé doucement.

Je me suis crue dans un vieux film de mafia. A l’appel de mon nom, je me suis approchée et on m’a fait signer un registe avant de me tendre une enveloppe. Elle contenait la bagatelle de quelques milliers de bahts, la totalité de mon salaire en liquide!

En rentrant dans la salle de classe pour ranger mes affaires, l’envelopppe me brûlait les doigts. J’étais terriblement mal à l’aise de tenir entre les mains autant d’argent: assez d’argent pour payer mon loyer, assurer mes dépenses du mois et commencer à économiser pour mon prochain voyage.

Je me doutais que tout le monde avait été payé le même jour et je scrutais les visages des autres profs pour voir si ces liasses les rendaient aussi anxieux que moi. Si tel était le cas, ils n’en laissaient rien paraître. Personne ne semblait se soucier de se précipiter vers une banque pour y déposer le précieux fardeau. Il faut dire qu’à cette heure-là un vendredi soir, les banques étaient déjà fermées depuis belle lurette.

Alors, ça m’a frappée : j’allais devoir rentrer, laisser mon salaire « en liquide » dans ma chambre jusqu’au lendemain matin, à l’ouverture de la banque.

Chèque en blanc, chèque en bois

Le souvenir de mon angoisse d’alors me fait sourire. L’habitude de trimballer du liquide a été vite acquise. Quelques mois plus tard, j’ai même payé cash un ordinateur portable sans ciller.

Si je me suis vite faite au système de l’enveloppe mensuelle, cela fait toujours ouvrir des yeux ronds à ma mère qui est une adepte du chéquier. Etant gamine, je la voyais s’asseoir stylo en main, s’attelant à une pile de factures. Je lui demandais souvent le privilège de remplir moi-même les chèques qu’elle n’avait plus qu’à signer.

Force est de constater que ce mode de paiement est toujours en vogue en France. Alors, chéquier ou pas chéquier?

A lire ailleurs:

Utilisation du chèque : «  Nous avons identifié 11% d’irréductibles » (Sur Libération, 31 mars 2011)

Pourquoi les Français sont-ils champions du paiement par chèque (Sur Le Progrès, 27 août 2012)


Crédit photo: AttributionShare Alike Yann Droneaud et AttributionNoncommercialNo Derivative Works Rakka

Le Miyanis, un bout d’Algérie à Paris

Ce restaurant m’a charmée par son cadre familial et ses spécialités algériennes authentiques à prix très doux. Je sais maintenant où aller si j’ai une soudaine envie de chorba ou de couscous: direction Ménilmontant!

Le coin pâtisserie

Le coin pâtisserie

Un soir, mon beau-frère a voulu me faire découvrir la cuisine de son pays, l’Algérie. J’avais déjà goûté à son couscous fait maison et à la fameuse galette kabyle dont je n’ai jamais réussi à prononcer le nom – sans parler de le retenir – mais cette fois, c’était du sérieux : une sortie spéciale cuisine algérienne, rien que pour le plaisir des sens.

Arrivés au 132 boulevard Ménilmontant, on croise en terrasse des groupes d’hommes qui ont l’air d’être des habitués de la maison, bien calés sur leurs sièges face à la rue. Ils nous regardent avec l’indulgence de ceux qui savent ce qui vous attend à l’intérieur.

Le décor aux tons chauds gagnerait à être un peu rafraîchi mais on s’y sent bien, comme si les défauts faisaient partie de l’atmosphère bon enfant. Derrière le bar, le patron nous accueille avec un sourire lumineux.

Difficile de choisir entre le couscous, les brochettes, les tajines, les chorbas … je me décide finalement pour une chorba bourek, après avoir lorgné dans l’assiette de mon voisin. Cette soupe traditionnelle à base de viande, de pois chiches et de pommes de terre figure dans les entrées mais, ne vous y trompez pas, elle peut aisément faire l’affaire pour un dîner, surtout accompagnée des deux boureks. C’est un des plats incontournables sur une table de Ramadan.

Boureks. Photo de samisabi sur Flickr, sous licence CC 2.0

Boureks. Photo de samisabi sur Flickr, sous licence CC BY 2.0

Si j’ai apprécié la chorba, épicée à souhait, le détour par le coin pâtisserie m’a vraiment fait tourner la tête ! Une vraie caverne aux trésors toute de miel et de cannelle. On termine par un thé à la menthe, comme il se doit.

En résumé… Le Miyanis est un restaurant simple et chaleureux, idéal pour une soirée conviviale en famille ou entre amis autour d’un bon plat algérien et d’un thé à la menthe.

Mon conseil

Réservez une place pour le dessert pour ne rien manquer des pâtisseries. Autre possibilité : se concocter une boîte à emporter pour déguster plus tard, quand le couscous ne sera plus qu’un bon souvenir.

Pratique

132 bd Ménilmontant

Paris 20ème

Tél: 01 47 97 04 99

Ouvert tous les jours de 11h30 à 23h30

Menu en ligne

Cachez ce Pauvre Point que je ne saurais voir!

Ceci n’est pas un énième billet d’humeur raillant les présentations Power Point. Ceci est un billet tout doux qui porte un regard amusé un phénomène bien différent : le Pauvre Point.

2909214004_b9b1a8e884

Le chemin de redécouverte de la langue française m’amène à des détours inattendus à travers le contact quotidien avec ces drôles d’oiseaux que sont les Parisiens. Je prends plaisir à écouter les conversations de mes voisins de métro et l’aplomb de la boulangère qui fait du « Au revoir merci bonne journée à vous aussi » une routine faussement guillerette.

Pauvre Point, quand tu nous tiens

Hier, au détour d’une conférence, une expression a fait voltiger mon imagination : Pauvre Point. Je suis sans doute l’une des dernières en France à m’en étonner, un hiatus de plusieurs années aidant. A ma décharge, ce n’est pas vraiment le genre de sujet sur lequel on s’épanche au téléphone avec sa famille à 3 000 km de distance.

La référence à Power Point n’est pas du tout voilée, surtout quand on se rappelle les prononciations aussi charmantes que fantaisistes auxquelles le nom de ce logiciel a donné lieu chez les Français. On peut quand même regretter le manque de musicalité de cette trouvaille: Pauvre Point, ça ne sonne pas très bien à mon oreille. Ce sont deux mots qui ont l’air bien dépité!

Appeler un Power Point, Pauvre Point, c’est un peu de dérision contre l’omniprésence des présentations parfois brillantes, souvent pas. J’y entends aussi un peu de l’esprit de résistance contre l’anglicisation par défaut du vocabulaire informatique.

Réappropriation des mots

Je me suis demandé quelle pouvait être la genèse du Pauvre Point. Un prof qui n’osait plus dire tout haut le fatal « Power Point » de peur de voir s’esclaffer ses élèves, peut-être ? Déformation dans la bouche d’un enfant ? Un meme lancé sur Twitter ? Peu probable que ça provienne d’un académicien, en tout cas.

Le détournement populaire de termes empruntés à l’anglais m’intéresse en tant que processus conscient de réappropriation des mots.

Il y a selon moi une véritable jouissance à créer de nouveaux sens entre les langues. Dans l’exemple de Power Point / Pauvre Point, on conserve la structure en faisant émerger un sens ironique. En renommant le logiciel, on revisite par une boutade les clichés communs de la présentation ratée, ennuyeuse, trop fleurie, pleine de zigouigouis inutiles*.

Puissance Point, Power Nap, Pauvre Point : même combat !


* Voir le deuxième sens 😉

Crédits photos: PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification JellyWatson