Où je raconte mes doutes à mon journal de bord.
Cher journal,
Je t’ai un peu négligé ces derniers temps mais il faut dire que j’ai eu fort à faire. Ce n’est pas une raison pour laisser tomber un vieil ami, tu me diras. A vrai dire, quelque chose me tracassait mais je n’arrivais pas à le mettre par écrit tellement je me sentais ridicule.
Je me suis enfin décidée: surtout, ne ris pas de moi…ou bien si, ris donc, ça m’est égal.
Tu vois, sur mes divers profils en ligne, j’ai conservé ‘Nairobi, Kenya’ comme lieu de résidence alors que je n’y suis plus depuis janvier dernier. Je t’avais raconté le long chemin qui m’avait fait traverser par sauts de puce le Sénégal, la Tunisie, l’Italie, pour finalement arriver à Paris.
Pendant tout ce temps, dans ma tête, j’habitais toujours au Kenya. Aux personnes rencontrées sur la route, je disais être « en transition » entre deux continents. J’ai fait durer cette transition aussi longtemps que j’ai pu. Cela m’a pris presque 6 mois pour me résoudre à changer l’heure sur l’horloge de mon ordinateur!
C’est la première fois que je mets autant de temps à m’approprier un nouveau lieu de résidence. Je résiste intérieurement.
Je crois que j’ai peur de ne plus être celle qui vient d’ailleurs, de perdre cette facette de mon identité. Et si je finissais par me glisser dans un rôle terne, si je devenais comme tout le monde ? Née en France, j’habite en France, quoi de plus banal ? C’est bête mais je m’imagine disparaître dans la foule des gens qui ne se posent pas trop de questions.
Je m’accroche à cette identité sans que cela m’apporte grand chose : il importe peu que je sois d’ici ou d’ailleurs. Pourquoi est-ce que j’ai besoin de me cacher derrière ces apparences ?
Pourtant, il n’y a pas de place déterminée qui m’attende à Paris. Tout reste à construire et c’est vraiment un nouveau départ, même si le décor est un peu familier.
J’ai eu le déclic quand j’ai reçu ma première facture d’électricité. Alors ça y est, trêve de tergiversations: j’ai changé mon lieu de résidence sur Twitter. Je suis vraiment Parisienne maintenant. Si c’est sur Twitter, c’est officiel!
Bises,
Ton impatriée préférée.
Crédits photo: Mary T. Moore